Ainsi Ultreïa signifie : plus loin. C'est dans cette dynamique géographique qu'intervient la vision horizontale de Ultreïa. Le pèlerin, un homme qui marche.
Ou plutôt qui réapprend à marcher en ayant abandonné progressivement tout ce qui lui semblait essentiel et qui maintenant n'est plus que futilité. En se défaisant ainsi de ses passions et ses préjugés chaque pas l'éloigne de son passé et le rapproche de son futur qui est constitué à l'arrivée par la mort du "vieil homme", suivi d'une renaissance de l’homme nouveau.
Ultreïa c'est donc une vision horizontale lors de cette marche, qui est surtout une démarche consistant à se diriger et avancer vers l'Autre. Ce n'est pas un simple altruisme, c'est dans le renoncement à soi manifesté dans le dépouillement et l'humilité que l'on connaîtra l'ampleur de cet amour universel appelé agapè, cette conscience de l'immanence pour être enfin reçu par Le Plus Humble de tous.
Et Suseïa, plus haut toujours plus haut. Autant la vision horizontale nous conduisait vers l'Autre, autant l'activité spirituelle nous fera considérer une vision verticale nous propulsant dans une recherche de rencontre avec "ce qu'il y a au-dessus". Suseïa, toujours plus haut, nous rappelle que nous élevons nos coeurs en fraternité (Sursum corda. Habemus ad Dominum). Ainsi nous découvrons la transcendance de notre démarche. Car l’homme est l’image immortelle de Dieu, mais qui pourra la reconnaître, s’il la défigure lui-même ?
Sil’on devait symboliser la verticalité l’on utiliserait l’image d’un obélisque, ou d’une colonne. Mais cette colonne est brisée et ainsi elle nous montre qu’il y a quelque chose de brisé en l’homme. Quelque chose de brisé par sa façon de vivre et d’être au monde qui se limite à la banalisation de l’horizontalité.
Dans ce sens, tel que nous l'enseigne l'Aigle dans le ciel de Patmos, la spiritualité signifie élévation de la vie, idéal de perfectionnement, amour du bien et pratique de la Vertu, culte à la Vérité, exercice de la Charité, harmonie avec soi-même qui est finalement harmonie avec les autres et par conséquent avec Dieu.
Et voici, que sans le vouloir, Ultreïa et Suseïa viennent de tracer devant nos yeux une croix, en se superposant. Ultreïa, horizontal et Suseïa vertical, forment ainsi réunis une croix. Cette croix, symbole de la mort du Christ, de cette mort qui n’aurait aucun sens, si elle ne débouchait sur la résurrection; c’est pour ceci d’ailleurs qu’on l’appelle la Croix glorieuse. Glorieuse parce qu’elle est là où s’accomplit notre salut. Mais glorieuse aussi, parce qu’elle s’ouvre sur le mystère de la résurrection, de la vie éternelle, de la mort vaincue par la mort du Christ.
Il n’y a pas de résurrection sans la Croix. Toutefois, la croix signifie également un symbole commun aux traditions de tous les temps et de tous les pays. Cette croix présente des significations multiples, toutes dérivées d'un même sens supérieur et métaphysique.
Elle est une synthèse de l’Homme à l’image du Christ, qui ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais qui s’est anéantit jusqu’à la mort, et par cette mort sur la Croix il a réalisé l'union des deux natures et représente donc la réalisation totale de l'être à la fois dimension humaine et divine, terrestre et céleste.